En septembre 1957, Houria, une militante du FLN, est dénoncée par son mari qui souhaitait s’en débarrasser. Arrêtée, elle accepte de collaborer avec les services du capitaine Léger. Houria est mise en contact avec un militant capturé, Hacène Ghendriche, alias Zerrouk / Safi, chef de la région 3 de la zone d’Alger, retourné et secrètement passé au GRE du capitaine Léger. Zerrouk envoie Houria se cacher chez sa femme, où elle observe un homme toujours accompagné d’une petite fille de 5 ans ; suivi, cet homme guide le GRE vers une adresse de la rue Caton no 4.

Le 23 septembre, les gendarmes d'Alger arrêtent un homme nommé Hadj Smail dit Kamel qui, interrogé, prétend avoir rencontré le chef de la Zone autonome d’Alger (ZAA) Yacef Saâdi à la rue Caton. Le recoupement conduit le colonel Jean Pierre à penser que Yacef Saadi loge dans cette rue.

Le quartier de la rue Caton fut encerclé vers 5 heures du matin le 24 septembre. Les  bleus-de-chauffe, Surcouf en tête, pénétrant par des immeubles voisins, bloquèrent toutes les terrasses. Ils connaissaient la facilité qu'elles offraient aux fuyards pour les avoir souvent employées. Le ler R.E.P. établit des barrages tout autour du quartier.
Au 3, rue Caton, Fathia Bouhired, qui avait le sommeil léger et dormait la, fenêtre ouverte, fut réveillée par des voix étouffées. Elle se leva et aperçut dans la ruelle les bérets verts qui installaient leurs bouchons. Elle se précipita dans la chambre où Yacef et Zohra Drif dormaient.
Vite, les paras. La cache.
Yacef et Zohra se précipitèrent dans la cache qui se trouvait dans la salle de bains et qui ouvrait de l'autre côté sur l'escalier de l'immeuble. Yacef avait une mitraillette, un pistolet et une grenade. Zohra attrapa les archives dont elle était responsable. Fathia Bouhired renversa les deux paillasses qui avaient servi de lit à ses amis et les entassa dans un coin de la pièce.
On tapait à coups redoublés à la porte d'entrée, qui sauta sous une poussée plus forte au moment où Fathia arrivait au rez-de-chaussée. Le colonel Jeanpierre, le capitaine Chabanne entrèrent les premiers. Le colonel Jeanpierre s'avança. Yacef, rends-toi. Sors de là. On sait que tu es là. Que tu es malade... tu as la grippe. Tu vois que nous savons tout.
Dans la cache, Zohra regarda son compagnon. C'était fini. Zohra avait elle-même écrit le dernier message à Ghandriche expliquant que Yacef avait la grippe et que la fièvre l'empêchait de tenir lui-même le stylo. Des rigoles de sueur parcouraient le visage de Yacef. La cache était très étroite, sans air. Zohra ruisselait.
Yacef restait silencieux. Il avait décroché la grenade de sa ceinture. Zohra avait planté ses ongles dans son bras. Tendus à l'extrême, respirant à petits coups, ils attendaient l'offensive.

De l'autre côté de la cloison, dans le couloir qui menait à la salle de bains, un légionnaire qui avait repéré à quelle hauteur se trouvait la cache attaqua le mur à la pioche.
Yacef dégoupilla sa grenade, libéra d'un coup de pied le panneau qui donnait sur l'escalier et jeta la grenade qui explosa à quelques mètres du colonel Jeanpierre. Celui-ci s'écroula, criblé d'éclats. On le tira en arrière. Dans l'ambulance, il fit signe qu'il n'était pas gravement touché.
Deux paras montèrent à l'assaut de l'escalier qui faisait un coude. Lorsqu'ils passèrent l'angle, Yacef vida le premier des deux chargeurs qu'il avait avec lui. Les deux paras s'écroulèrent foudroyés, un troisième fut blessé. Le colonel Jeanpierre évacué, c'est le colonel Godard qui prit la direction des opérations. Yacef, il le voulait. Vivant. Pas pour s'en venger. Mais pour pouvoir discuter avec lui. Savoir si l'homme qui les avait tenus si longtemps en échec correspondait au portrait qu'il s'en était fait. Mais ce n'était pas joué. Dès qu'un para passait la tête au-delà du coude que formait l'escalier, Yacef lâchait une rafale.
De la fumée provenait de la cache. C'était Zohra qui, sentant que tout était perdu, tentait de brûler les archives. Mais le manque d'air ne favorisait pas la combustion. La fumée devenait intense. Yacef fut pris d'une quinte de toux.

Puisque vous ne voulez pas vous rendre, Yacef. On va vous faire sauter.
Et Yacef vit une charge importante de plastic atterrir à quelques mètres de lui. En contrebas de la cache. Une longue mèche grésillait lentement. Il y en avait pour une dizaine de minutes. Yacef et Zohra étaient hypnotisés par cette mèche qui brûlait hors de leur portée.
Yacef réfléchissait à toute vitesse. Mourir par balles, écrasés dans une explosion ou guillotinés, c'était bien la même chose. Ni Yacef ni Zohra ne se faisaient d'illusions. Le combat qui les avait opposés à Massu avait trop exaspéré la population européenne, les attentats avaient été trop meurtriers pour qu'on les épargnât. La guillotine, ce n'était peut-être pas beaucoup plus dur que l'explosion. Cela laissait un répit et surtout Ali, Hassiba et Petit-Omar et aussi Mahmoud avaient une chance de s'en tirer.

 

C'est moi, Yacef. Je veux parler au général Massu.  Godard, qui se trouvait à l'abri du mur, répondit immédiatement :
On ne va pas déranger le général, Yacef. Mais je vous donne ma parole que vous serez traité en prisonnier de guerre.
Yacef lança sa mitraillette sur le sol.

Un para éteignit la mèche. Yacef sauta sur le sol, On lui passa les menottes.
Une voiture attendait un peu plus bas, près du marché. Zohra s'assit près du chauffeur, un para s'installa près d'elle, le pistolet à la main. Yacef, menottes aux poignets, s'assit derrière, près du colonel Godard. Leurs regards se croisèrent. Ils n'échangèrent pas un mot.
On fit une piqûre à Yacef qui, terrassé par la grippe et la fatigue, titubait. On l'enferma dans la villa d'El-Biar en compagnie de Zohra dont il n'avait pas été séparé.
Ni Yacef ni Zohra ne furent interrogés brutalement. Encore moins torturés. Yacef bavarda longuement avec le colonel Godard et le capitaine de La Bourdonnaye. C'était fini. Les léopards possédaient tous les organigrammes, tous les noms. Même les projets de réorganisation que Yacef n'avait pu appliquer. C'était la victoire complète des paras. Restaient Ali la Pointe et Ben Hamida.

 Les deux prisonniers sont étroitement gardés par le 1er REP, aucun contact avec l'extérieur, car Yacef et Zohra n'ignorent plus rien du double jeu de Zerrouk, il faut que ce double jeu se poursuive pour mettre le GRE sur la piste d'Ali la Pointe.

 

Très vite, Zerrouk prend contact avec Ali par une boîte aux lettres de secours. Léger apprend ainsi qu'Ali la Pointe a rejoint une autre cache, avec Hassiba Ben Bouali, Petit Omar (douze ans, agent de liaison et neveu de Yacef) et Mahmoud, autre agent de liaison. Ali la Pointe a sur lui quatre bombes complètes et il désire que Zerrouk - qui pour lui est toujours le responsable militaire de la zone autonome - relance une vague d’attentats. Lentement, Léger reprend la filature du courrier. Il lui faudra deux semaines, pour qu'il arrive à localiser la planque d’Ali la Pointe au 5, rue des Abderrames en haute Casbah.

Ali cerné avec ses complices, son refuge est plastiqué par le 1er REP, l'énorme explosion tue également 17 civils du voisinage dont 4 fillettes de quatre et cinq ans.

 

Le 15 octobre 1957, Ghendriche avait donné rendez-vous à Abderrahmane Ben Hamida dit Salim ou El-Khiam, Commissaire politique de la Zone Autonome d’Alger depuis 1956 et chargé de la coordination de son Bulletin intérieur, alors que deux officiers l’attendaient dans une voiture en retrait.  Abderrahmane Ben Hamida est le dernier responsable  de la ZAA arrêté.

 Cette opération marque l'élimination des principaux dirigeants du FLN de la Zone autonome d’Alger et dès lors, la victoire de l'Armée française dans la bataille d'Alger.